Casablanca Finance City : une ambition affaiblie par les pressions internationales et les ajustements fiscaux

Depuis sa création, Casablanca Finance City (CFC) se voulait le fer de lance de l’ambition marocaine de devenir un hub financier régional. Son objectif était clair : attirer les investisseurs étrangers et les multinationales pour qu’ils établissent leurs sièges régionaux au Maroc, en offrant un cadre fiscal attractif et une localisation stratégique.

Cependant, après plus d’une décennie d’existence, CFC semble avoir perdu de sa substance, en grande partie à cause des ajustements réglementaires et fiscaux imposés par les pressions internationales, notamment celles de l’Union européenne.

Une offre initiale séduisante, mais contestée

À son lancement, le CFC proposait un package fiscal particulièrement compétitif :

  • Exonération totale d’impôt sur les sociétés (IS) pendant cinq ans, suivie d’un taux réduit à 8,75%.
  • Exonération complète de l’impôt sur le revenu (IR) pour les expatriés pendant plusieurs années.

Ces avantages faisaient du CFC une alternative attrayante face à des hubs régionaux comme Dubaï. Selon les chiffres officiels des rapports de la Casablanca Finance City Authority (2020-2022), cette offre fiscale avait permis d’attirer près de 200 entreprises affiliées dès 2019, avec une forte concentration dans les secteurs financier et technologique.

À la fin de l’année 2023, grâce à cette proposition fiscale, Casablanca Finance City (CFC) comptait 202 entreprises membres, employant plus de 5.000 personnes. Ces entreprises opèrent dans 115 pays et génèrent un chiffre d’affaires global de 14 milliards MAD. Ces résultats confirment le rôle de CFC en tant que principal hub financier et technologique en Afrique, consolidant sa position de premier centre financier du continent.

Cependant, ces incitations ont rapidement attiré l’attention de l’Union européenne. En 2017, le Maroc a été placé sur sa « liste grise » des juridictions fiscales non coopératives. Ce classement a exercé une forte pression sur le Royaume pour qu’il révise ses politiques fiscales, y compris celles liées à CFC. En réponse, des réformes ont été engagées, mais non sans conséquences sur l’attractivité du hub.

Les ajustements du Code général des impôts : un impact mesuré mais réel

Pour se conformer aux normes internationales, le Maroc a modifié le cadre fiscal applicable aux entreprises affiliées à CFC. Les principales réformes incluent :

  • La suppression du taux réduit d’IS au profit d’un taux uniforme de 20%.
  • La réduction des exonérations fiscales sur l’IR pour les expatriés.

Cette simplification rend l’offre fiscale plus lisible et claire : à terme, un taux unique de 20% s’appliquera à la fois pour l’IS et l’IR.

Bien que nécessaires pour améliorer la transparence fiscale, Ces changements ont affaibli l’un des principaux atouts de CFC. En parallèle, le nombre d’entreprises nouvellement inscrites a ralenti. Selon l’Office des Changes,les investissements étrangers à CFC ont chuté de près de 15% entre 2019 et 2022, un signal d’alarme pour l’avenir du projet.

Les récentes réformes fiscales au Maroc ont soulevé des préoccupations concernant la compétitivité du pays en matière d’investissements étrangers. Une étude parue en mars 2024 a analysé l’impact de ces réformes et confirmé que le système d’incitation fiscale reste un critère déterminant. Toutefois, elle a également montré que les ajustements des régimes fiscaux des zones franches d’exportation et des sociétés Casablanca Finance City (CFC) ont réduit l’attractivité du pays pour certains investisseurs étrangers.

Selon l’Office des Changes, les investissements directs étrangers (IDE) au Maroc ont chuté de 52% en 2023, atteignant seulement 11,1 milliards de dirhams, contre 23 milliards de dirhams en 2022. Cette baisse s’explique par une diminution de 14% des recettes des IDE qui se sont établies à 34,6 milliards de dirhams, et une augmentation des dépenses de 35,8%, atteignant 23,5 milliards de dirhams.

Une perte de positionnement face aux concurrents régionaux

Casablanca-Finance-City

Le positionnement initial de CFC reposait sur une niche fiscale claire : attirer les sièges régionaux grâce à un régime préférentiel. Avec la suppression de cet avantage compétitif, CFC peine à rivaliser avec des hubs comme Dubaï. Ce dernier continue d’offrir des avantages fiscaux significatifs et un environnement d’affaires simplifié, en dépit des critiques internationales.

Un exemple concret de cette perte d’attractivité est fourni par Le Figaro, qui a rapporté que plusieurs multinationales basées initialement à CFC, notamment dans le secteur des services financiers, ont préféré réorienter leurs activités vers d’autres hubs africains ou internationaux. Cette tendance met en évidence un besoin urgent de redéfinir l’identité et la proposition de valeur de CFC.

Quelles perspectives pour CFC ?

Malgré ces défis, CFC dispose encore d’atouts solides et pourrait regagner sa place comme acteur clé de la région à travers plusieurs axes stratégiques :

• Se repositionner sur des services à forte valeur ajoutée : Plutôt que de miser uniquement sur des incitations fiscales, CFC pourrait devenir un centre d’innovation pour la finance durable ou un pôle d’expertise pour les fintechs. En collaboration avec des startups locales et des entreprises internationales, elle pourrait offrir des solutions adaptées aux marchés africains en plein développement.

• Capitaliser sur l’intégration africaine : Le Maroc a renforcé sa position sur le continent grâce à sa stratégie économique proactive, notamment via sa participation à la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf). CFC pourrait devenir un pont entre les investisseurs internationaux et les opportunités économiques africaines. Selon le rapport 2022 de la Banque Africaine de Développement, les flux d’investissements intra-africains ont augmenté de 12% en moyenne, un potentiel que CFC pourrait exploiter pleinement.

• Renforcer la transparence et la gouvernance : En devenant un modèle de conformité et de transparence, CFC pourrait attirer des entreprises soucieuses d’un environnement fiscal et juridique stable. Cette approche est alignée sur les recommandations de l’OCDE.

Conclusion : une opportunité de se réinventer

Casablanca Finance City illustre le défi complexe de concilier compétitivité fiscale et conformité aux normes internationales. Si les ajustements imposés par l’Union européenne ont affaibli son attractivité initiale, ils offrent également une opportunité de repenser son modèle.

En s’appuyant sur ses atouts non fiscaux et sur une stratégie tournée vers l’innovation et l’intégration africaine, CFC peut se repositionner durablement comme un hub régional de premier plan.

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Mounir RGUIG
Mounir RGUIG

Mounir RGUIG, expert-comptable et dirigeant du cabinet d’expertise-comptable MRG Consulting. Il est également co-fondateur de Tax Cluster.

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